La Rencontre

Alrick ne put que levé le sourcil qui lui restait.

''La vache! Je m'attendais pas a du aussi dramatique, Karia. Et bien, si t'insistes. On va commencer petit. Simple. Quand seras-tu prêt a te remettre en route?''

Il pose les jointures de sa main droite contre son menton, exagérant le fait de réfléchir. Tenter de garder un peu de contrôle dans une situation menaçant de lui échapper a tout instant. De se donner, ainsi, l'air d’être au commandes. De tenter de s'y convaincre lui même. Il hausse l'épaule gauche, y arrivant a moitié.

Il a un respect craintif pour cet être. Il pouvait être un outil parfait. Une arme a brandir. L'instrument de sa vengeance, de sa justice. Mais le pouvoir corrompt. Et le pouvoir absolu corrompt encore plus drastiquement. Voulait-il vraiment devenir comme cet être?

Il eu une vive mais brève envie de vomir, l'image de la gamine en train de se faire dévorée lui apparaissant d'une clarté terrifiante. Malgré les cris autours, le fracas des combats, il n'entendait qu'elle, le reste se fondant dans une fange sonore diffuse et indistincte. Il déglutit, douloureusement, forçant son corps a lui obéir, comme si il materait un cheval sauvage. Une image qui lui plaisait davantage. Calme et apaisante.

Il se rendu compte qu'il avait perdu de vue le dragon quelque seconde, perdu dans son propre cauchemar.

''Tu dois avoir faim. Viens. Et j'aimerais savoir ce que tu sais sur ce Bishop. Tu as dit savoir ou il allait, il me semble.'' Conclut-il en se détournant, décidant de faire confiance pas au sortilège, mais au fait que si le dragon avait voulu le dévoré a son tour, ça serait déjà fait, ponctuant sa phrase d'un geste de main par dessus son épaule

''Bien. A Imzaresh nous irons.'' Le vétéran pose les mains sur ses lombaires, s'étirant. Toujours dos au wyrm. Il se retourne alors, fixant la gueule dégoulinante. Le sol, la ou vient une grosse goutte de bave brûlante. Il marque un temps d’arrêt, suivant le regard de Karia.

''Ha non. Ça, c'est interdit. Tu ne croques pas mon cheval. A moins que tu préférés que je me serve de toi comme bête de monte?'' Il hausse le sourcil qu'il lui reste. ''Et je suis sérieux, Karia. C'est une ressource nécessaire pour accomplir notre but.'' A nouveau un silence, le temps que l'information se rende bien a son cerveau.

''Il faut espérer que je trouve un moyen d'annuler ce sort d'ici ce qu'on soit sur place. Ou laisser ce dernier s'atténuer de lui même Déjà que tu es pas discret avec ton armure a pointe, alors la, en lézard....'' Sa voix se fait un peu plus railleuse. Il prend confiance dans son emprise sur le monstre. Fier, peut être un peu trop.

''Ça ne sera pas facile, non. Nous sommes deux et ils sont une multitudes. T'as pas une idée de POURQUOI ils y vont? Je vais finir par croire que tu le protège, si tu n'es pas plus coopératif.'' Il le contemple, le jauge. Ego contre ego, la fierté du dragon contre la volonté d'un mage, Il ne conjure pas les chaînes éthérée mais en tire sur une autre, tout aussi intangible. Celle pouvant représenter les ressentis et appréhension de l'un comme de l'autre. Voir lequel des deux réussira a tirer la couverture de son coté.

''Quoi qu'il en soit, tu as répondu a la question. Voir plus.'' Un sourire en coin, énigmatique, alors qu'il défait le baluchon contenant leur nourriture, sa main se refermant sur un jambon, qu'il lance vers le dragon, sans se soucier que celui ci le croque en vol ou que la viande roule sur le sol avant. ''Ne considères pas comme une récompense car tu as été sage. Tu demeures.... trop intelligent pour être une simple bête. Quand pourras tu reprendre la route?'' Le ton est sec. Sans appel. Il n'est pas son compagnon et encore moins son ami. C'est un ordre, bien que formulé de façon plus ou moins courtoise. Un officier s'adressant a ses troupes.

Son esprit tente déjà d’échafauder un plan d'action, dans l'éventualité ou Bishop les prendrait de vitesse. Il vaudrait mieux les intercepter avant. Ils seraient plus vulnérables. Mais encore, il avaient plus d'une nuit d'avance sur eux. Imzaresh. Il en avait entendu parler. Vaguement. Il savait qu'elle existait. Et la bas, par le jeu des alliances, personne ne pourrait se liguer contre Bishop, sous crainte de se voir miner par une maison ennemie.

Cette magie est sauvage. Fourbe. Un animal farouche sans chaînes ni limites. Il ne la désire pas, en ce moment précis, mais cette dernière agit d'une volonté qui lui est propre, comme si elle était vivante. Non. Pas seulement vivante, mais sentiente. Et cette conscience est maléfique. Purement maléfique.

Elle n'a pas besoin de corps physique pour se manifester. Ni même qu'on l'appelle. Elle est la. Elle n'attend qu'un appel, qu'il soit conscient ou non. La magie que le vétéran croyait contrôler montre sa vraie nature et se retourne contre lui. L’énergie ne demandant qu'a se manifester, a contrôler. Le sang mêlé et l'humain était a quelque part indissociable, inséparable, tant que cet enchantement perdurera.

Quelque chose clochait. Quelque chose de vil, de dangereux. Il le senti avant de le voir. Un peu comme ce sentiment d'apesanteur avant une chute, alors que son pas perd pied. Il cristallisa ce moment dans son esprit, d'une précision d’orfèvre. La remanescence de la chaîne alors qu'elle sortait de l’éther, comme un écho, tout en se jetant sur lui , chaque lien parfaitement formé sous son œil unique. Ce frottement contre sa chair. Pas froid comme l'acier ni rêche comme une corde. Ni solide , ni vapeur, mais bien présente. La chair se faisant mordre par ce froid intense, le brûlant autant physiquement que mentalement alors que les liens s’enfonçait dans sa chair, sans la comprimer mais bien en s’enfonçant a lui, telle un navire sombrant dans une eau noire et trouble.

Son corps est tétanisé devant Karia. Son corps ne lui appartient plus. Il est un témoin impuissant d'une souffrance qui le prend par surprise, telle une vague cramoisie. Une vague de feu irradie chacun de ses muscles. Chacune des fibres de son corps. Il a envie de crier. D'hurler. Mais la douleur comprime jusqu'à ses cordes vocale qui ne peuvent que souffler pathétiquement. Sa vision se trouble. Il ne voit plus rien. Il n'entend que le bruit discordant d'un cœur qui n'es pas le sien s'emballer. Il se sent vieux et faible. Le poids de ses blessures, de leur blessures est lisible comme écrite a l'aide d'une encre de feu.

Il se sent partir. Terrassé par une magie qu'il croyait maîtriser. Le martellement des cœurs s'éloignent sans qu'il ne se rendent compte, remplacé par un gémissement, qui devient vite un cri. Ce cri est le sien, vivant en un éclair ce que Karia a vécu au courant d'un laps de temps bien plus long. Il ne pense plus a la chaîne qui l'entrave. Il ne la voit plus. La douleur étant omniprésente.

Il ne peut pas se défendre comme un mal si pur, distillé de main de maître. Sa rage augment d'un cran lorsque ce maître en question se révélé être Bishop. Il n'emprunte pas la haine de Karia, la sienne lui suffit amplement a cette tache. Deux jours de tourment. Quelque secondes de vécu. Alrick ne se sentit pas tombé vers l'avant. Pas plus qu'il ne sentit la terre contre sa joue ni l'odeur acide de la bave de Karia, juste sous son nez. Son corps se crispe, se contracte, cherchant a se protéger de lui même. De sa propre vision. De sa propre douleur. De sa propre magie. Ne pouvant qu’espérer que le lien finisse par s'estomper de lui même, sa cruauté épanché. Sa magie dépensée, ne serait-ce que pour maintenant.

Tel un rêve glissant dans les méandre de l'inconscience, la douleur finit par passé. Un coup de poing rageur dans la terre meuble, une colère franche et pure dardant de son être. Pas contre les chaînes, pas même contre ce dragon...mais contre lui même. Comment avais-t-il pu ne serait-ce qu'un instant prendre pour lui les souvenir d'un autre?

Au moins la chaîne semblait se désintéressé de lui. Il devrais s'en méfier, se renseigner. Même si ce genre de sortilège lui échappait. Ils étaient trois, en comptant sa gerboise. Maintenant ils étaient quatre. Aucune raison de compter cette chaîne comme moins qu'un être sentient. Un être dangereux.

Une profonde lassitude lui étreignait l'esprit, cohabitant avec sa colère Un nouveau coup au sol, avant de se redresser, pestant et jurant. Il voulait pas se sentir ainsi. Sa seule chance d'en rescapé, c’était encore de reprendre le contrôle qui menaçait de lui échapper a chaque instant.

Il finit par s’asseoir, a même le sol. Il respire mieux, déjà, tentant de se dissocier de ce cauchemar lui semblant par trop réel. Les sensations s'estompent, une a une, lui retirant un lourd poids de la poitrine. Il devait bien y avoir une raison a tout cela, alors qu'il constatait que le jambon avait disparu. Il ne s'en était même pas rendu compte.

Métal. Corps étranger. Métal....... et si dans sa si malsaine sagesse, Bishop avait raison? Et si la folie de cet homme était la clé de cette énigme? Il grogne. Il veut agir. Il en plus qu'assez d’être le pantin de forces qu'il ne peut pas comprendre. Il lui semble qu'une mauvaise action, dans l 'état des choses était mieux que de juste attendre, de laisser une fois de plus le fils des événements lui glisser entre les doigts.

Une main se pose a plat sur le museau recouvert d'écaille alors qu'il se redresse, s'en servant comme de la plus improvisée des béquilles. Le poids familier et réconfortant du poignard repose toujours sur ses hanches. Il en aura besoin. Et peut être que le dragon aussi. Il avait besoin de lui sous sa forme humanoïde et comme tout bon cavalier le sait, une monture n'est pas capable de prendre soin d'elle même. La différence étant que Karia n'était pas SA monture, mais a peu de chose prêt, il était sous sa responsabilité. Il pouvait ouvrir en grand les portes de l'enfer d'une seule requête et semer la mort d'un seul mot. Le fait que le dragon n'avait pas de selle ni d'étriers ne changeait rien a cet état des faits.

''Restes calme. Ne bouges pas. Tu vas avoir mal. Très mal. Si tu veux vivre.....'' Plus un constat qu'une menace, alors que l'acier du poignard perçait le calme de cette aube naissante dans un raclement du métal contre le cuir, alors que la main contre ses écailles s'y appuie toujours, cherchant le premier point d'entrée de la lance surdimensionnée tirée a coup de baliste.

''Essais de pas gueuler. A moins que tu veux attirer l'attention ou les ennuis.'' La pointe du poignard glisse sur les rebords de la plaie, a la recherche de fragments, plus ou moins gros, de la pointe de l'arme meurtrière. La journée s’annonçait bien longue.

La douleur est sûrement horrible. Le poignard se glisse entre le fer et la chair, glissant sur une écaille pour y trouver un appuis. Maintenant la hampe d'une main, cherchant a l'extraire pour ensuite pouvoir l'arracher et la balancer a ses pieds.Certes, un mouvement bref et décisif peut minimiser la douleur, a long terme. Il vaut sûrement mieux une douleur vive et brève qu'une agonie lente, se prolongeant encore, ravivée par chaque souffle, chaque grimace de douleur, entraînant dans son sillage les vagues de douleurs des pointes enfoncée dans son cuir écailleux.

Mais Alrick ne le fait pas pour Karia. Il travaille ainsi pour être efficace. Pour pouvoir passer a autre chose. La traque. Cette pensée fait surgir un sourire presque malsain sur ses traits tirés. Un rictus sadique, imaginant sûrement Bishop couiné, supplier, demander grâce alors qu'il soufflera la flamme de vie du regard de sa Némésis.

Le mouvement de ses mains devient mécanique. Il sent le sang lui brûler les mains, mais ne s'en soucis pas. Un tintement, une autre flèche surdimensionnée tombe a ses pieds, le bois dur tressautant au contact du sol, avant de glisser tel un échoué. Il est reconnaissant que de gré ou de force, Karia se tienne a carreau. En plein territoire ennemi, ils doivent faire très attention aux cartes que le destin leur a attribué. Qui sait quand sera la prochaine donne?

Il en oublies presque son âge, poussé vers l'avant par sa mission. Sa soif de vengeance. Et aussi, un brin de folie. Sa psyché déjà éprouvée par une vie de guerre et de lutte n'est pas sortie indemne des derniers jours.

La dernière des flèches quittent finalement le corps massif du titanesque dragon. Le vétéran recule d'un pas, observant son œuvre, les mains légèrement brillante et poisseuses sous les premier rayons de la journée. Il lève la tête vers les cieux, son œil valide se retrouvant a l'état de fente émeraude, alors qu'il tente de déterminer le temps passé a s'occuper du dragon. Sûrement une demie heure. Sûrement pas plus d'une heure. Et ce n'est que pour les flèches surdimensionnée. Les impacts sur le poitrail large et orné d'écailles n'ont pas échappés a son oeil aguerri.

"Mais qu'est-ce que c'est que ce foutoir?'' Marmonne-il-dans sa barde, plus pour lui même que par envie de faire la conversation avec Karia. A nouveau, la lame courte s'enfonce dans la chair a vif, jusqu’à ce qu'il sente la pointe ripé sur le projectile de plomb écrasé lors de son atterrissage en catastrophe. Il l'extirpe, reculant d'un pas. Le levant vers les premières lueurs de l'aube, histoire de voir ce que c'est.''Par les enfers.....'' étonné qu'une si petite chose puisse faire tant de ravage. le tournant entre ses doigts cramoisis. Puis il jette le projectile au sol, sans un dernier regard pour ce dernier, avant de s'attaquer aux suivants, sans se soucier ou y aller doucement avec Karia. Espérant juste qu'il ne gueule pas trop.

Il hausse les épaules, posant un genou au  sol pour empoigné un coin du baluchon, bien loin des denrées. Puis il secoue les mains, les dernières gouttes ornant le haut de quelques brin d'herbe d'un rouge coagulé. Le même rouge délavé qui reste sur ses paumes, sur ses jointures, lui donnant l'apparence d'un boucher, mais il a mieux a faire pour le moment que de jouer la diva.

''T'es pas entier, mais faudra s'en contenter. Nous partons lorsque le soleil sera au plus haut'' Conclut-il en s'étirant,les mains sur ses vieux lombaires. Il réalise les courbatures qui noues ses muscle, mais décide de passer outre. La journée sera longue. Sera rude. Bref, la vie sera un combat. Comme tout les jours.